Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/633

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quel se trouve monsieur. Vous voyez bien que monsieur n’a pas sa tête…

— Si vous voulez vous arranger pour nous faire avoir la commande, dit le courtier de la maison Sonet à l’oreille de madame Sauvage en l’amenant sur le palier, j’ai pouvoir de vous offrir quarante francs…

— Eh bien ! donnez-moi votre adresse, dit madame Sauvage en s’humanisant.

Schmucke, en se voyant seul et se trouvant mieux par cette ingestion d’un potage au pain, retourna promptement dans la chambre de Pons, où il se mit en prières. Il était perdu dans les abîmes de la douleur, lorsqu’il fut tiré de son profond anéantissement par un jeune homme vêtu de noir qui lui dit pour la onzième fois un : — Monsieur ?… que le pauvre martyr entendit d’autant mieux, qu’il se sentit secoué par la manche de son habit.

Qu’y a-d-il engore ?

— Monsieur, nous devons au docteur Gannal une découverte sublime ; nous ne contestons pas sa gloire, il a renouvelé les miracles de l’Égypte ; mais il y a eu des perfectionnements, et nous avons obtenu des résultats surprenants. Donc, si vous voulez revoir votre ami, tel qu’il était de son vivant…

Le refoir ! … s’écria Schmucke ; me barlera-d-il ?

— Pas absolument !… Il ne lui manquera que la parole, reprit le courtier d’embaumement ; mais il restera pour l’éternité comme l’embaumement vous le montrera. L’opération exige peu d’instants. Une incision dans la carotide et l’injection suffisent ; mais il est grand temps… Si vous attendiez encore un quart d’heure, vous ne pourriez plus avoir la douce satisfaction d’avoir conservé le corps…

Hâlis-fis-en au tiaple !… Bons est une âme !… et cedde âme est au ciel.

— Cet homme est sans aucune reconnaissance, dit le jeune courtier d’un des rivaux du célèbre Gannal en passant sous la porte cochère ; il refuse de faire embaumer son ami !

— Que voulez-vous, monsieur ! dit la Cibot, qui venait de faire embaumer son chéri. C’est un héritier, un légataire. Une fois leur affaire faite, le défunt n’est plus rien pour eux.

Une heure après, Schmucke vit venir dans la chambre madame Sauvage suivie d’un homme vêtu de noir et qui paraissait être un ouvrier.