Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/81

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tiques situées à l’angle du pâté de maisons qui longe les galeries du vieux Louvre et qui fait face à l’hôtel de Nantes. Elle entra dans cette boutique en laissant son père occupé à regarder les fenêtres de la jolie petite dame qui, la veille, avait laissé son image au cœur du vieux Beau, comme pour y calmer la blessure qu’il allait recevoir, et il ne put s’empêcher de mettre en pratique le conseil de sa femme.

— Rabattons-nous sur les petites bourgeoises, se dit-il en se rappelant les adorables perfections de madame Marneffe. Cette petite femme-là me fera promptement oublier l’avide Josépha.

Or, voici ce qui se passa simultanément dans la boutique et hors de la boutique.

En examinant les fenêtres de sa nouvelle belle, le baron aperçut le mari qui, tout en brossant sa redingote lui-même, faisait évidemment le guet et semblait attendre quelqu’un sur la place. Craignant d’être aperçu, puis reconnu plus tard, l’amoureux baron tourna le dos à la rue du Doyenné, mais en se mettant de trois-quarts afin de pouvoir y donner un coup d’œil de temps en temps. Ce mouvement le fit rencontrer presque face à face avec madame Marneffe qui, venant des quais, doublait le promontoire des maisons pour retourner chez elle. Valérie éprouva comme une commotion en recevant le regard étonné du baron, et elle y répondit par une œillade de prude.

— Jolie femme ! s’écria le baron, et pour qui l’on ferait bien des folies !

— Eh ! monsieur, répondit-elle en se retournant comme une femme qui prend un parti violent, vous êtes monsieur le baron Hulot, n’est-ce pas ?

Le baron de plus en plus stupéfait fit un geste d’affirmation.

— Eh bien ! puisque le hasard a marié deux fois nos yeux, et que j’ai le bonheur de vous avoir intrigué ou intéressé, je vous dirai qu’au lieu de faire des folies, vous devriez bien faire justice… Le sort de mon mari dépend de vous.

— Comment l’entendez-vous ? demanda galamment le baron.

— C’est un employé de votre direction, à la Guerre, Division de monsieur Lebrun, bureau de monsieur Coquet, répondit-elle en souriant.

— Je me sens disposé, madame… madame ?

— Madame Marneffe.