Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/87

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quelqu’un en connaîtra la valeur et le marchandera. Vous êtes ma première admiratrice, prenez !

— Venez, monsieur, avec le marchand dans une heure d’ici… voici la carte de mon père, répondit Hortense.

Puis, en voyant le marchand aller dans une pièce pour y envelopper le groupe dans du linge, elle ajouta tout bas au grand étonnement de l’artiste qui crut rêver :  — Dans l’intérêt de votre avenir, monsieur Wenceslas, ne montrez pas cette carte, ne dites pas le nom de votre acquéreur à mademoiselle Fischer, car c’est notre cousine.

Ce mot, notre cousine, produisit un éblouissement à l’artiste, il entrevit le paradis en en voyant une des Èves tombées. Il rêvait de la belle cousine dont lui avait parlé Lisbeth, autant qu’Hortense rêvait de l’amoureux de sa cousine, et quand elle était entrée :  — Ah ! pensait-il, si elle pouvait être ainsi ! On comprendra le regard que les deux amants échangèrent, ce fut de la flamme, car les amoureux vertueux n’ont pas la moindre hypocrisie.

— Eh bien ! que diable fais-tu là-dedans ? demanda le père à sa fille.

— J’ai dépensé mes douze cents francs d’économie, viens.

Elle reprit le bras de son père qui répéta :  — Douze cents francs !

— Treize cents même… mais tu me prêteras bien la différence !

— Et à quoi… dans cette boutique… as-tu pu dépenser cette somme ?

— Ah ! voici ! répondit l’heureuse jeune fille, si j’ai trouvé un mari ce ne sera pas cher.

— Un mari, ma fille, dans cette boutique ?

— Écoute, mon petit père, me défendrais-tu d’épouser un grand artiste ?

— Non, mon enfant. Un grand artiste, aujourd’hui, c’est un prince qui n’est pas titré. C’est la gloire et la fortune, les deux plus grands avantages sociaux, après la vertu, ajouta-t-il d’un petit ton cafard.

— Bien entendu, répondit Hortense. Et que penses-tu de la sculpture ?

— C’est une bien mauvaise partie, dit Hulot en hochant la tête. Il faut de grandes protections outre un grand talent ; car le gouvernement est le seul consommateur. C’est un art sans débouchés aujourd’hui qu’il n’y a plus ni grandes existences, ni grandes fortunes,