Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/96

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vriers aisés : des chaises en noyer foncées de paille, une petite table à manger en noyer, une table à travailler, des gravures enluminées dans des cadres en bois noirci, de petits rideaux de mousseline aux fenêtres, une grande armoire en noyer, le carreau bien frotté, bien reluisant de propreté, tout cela sans un grain de poussière, mais plein de tons froids, un vrai tableau de Terburg où rien ne manquait, pas même sa teinte grise, représenté par un papier jadis bleuâtre et passé au ton de lin. Quant à la chambre, personne n’y avait jamais pénétré.

Le baron embrassa tout, d’un coup d’œil, vit la signature de la médiocrité dans chaque chose, depuis le poêle en fonte jusqu’aux ustensiles de ménage, et il fut pris d’une nausée en se disant à lui-même :  — Voilà donc la vertu !

— Pourquoi je viens ? répondit-il à haute voix. Tu es une fille trop rusée pour ne pas finir par le deviner, et il vaut mieux te le dire, s’écria-t-il en s’asseyant et regardant à travers la cour en entr’ouvrant le rideau de mousseline plissée. Il y a dans la maison une très-jolie femme…

— Madame Marneffe ! Oh ! j’y suis ! dit-elle en comprenant tout. Et Josépha ?

— Hélas ! cousine, il n’y a plus de Josépha… J’ai été mis à la porte comme un laquais.

— Et vous voudriez ?… demanda la cousine en regardant le baron avec la dignité d’une prude qui s’offense un quart d’heure trop tôt.

— Comme madame Marneffe est une femme très comme il faut, la femme d’un employé, que tu peux la voir sans te compromettre, reprit le baron, je voudrais te voir voisiner avec elle. Oh ! sois tranquille, elle aura les plus grands égards pour la cousine de monsieur le directeur.

En ce moment, on entendit le frôlement d’une robe dans l’escalier, accompagné par le bruit des pas d’une femme à brodequins superfins. Le bruit cessa sur le palier. Après deux coups frappés à la porte, madame Marneffe se montra.

— Pardonnez-moi, mademoiselle, cette irruption chez vous ; mais je ne vous ai point trouvée hier quand je suis venue vous faire une visite ; nous sommes voisines, et si j’avais su que vous étiez la cousine de monsieur le Conseiller-d’État, il y a longtemps que je vous aurais demandé votre protection auprès de lui. J’ai vu entrer