Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 20.djvu/14

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aussy fertile en cocquz, cocquardz et raillards que pas ung, et qui ha fourni sa grande part des hommes de renom à la France avecques feu Courier, de picquante mémoire ; Verville, autheur du Moyen de parvenir, et aultres bien cogneuz, desquels nous trions le sieur Descartes, pour ce que ce feut ung génie mélancholicque, et qui ha plus célébré les songeries creuzes que le vin et la friandise, homme duquel tous les pastisciers et rostisseurs de Tours ont une saige horreur, le mescognoissent, n’en veulent point entendre parler, et disent : — Où demeure-t-il ? si on le leur nomme. Doncques, ceste œuvre est le produict des heures rieuses de bons vieulx moynes, et dont estoyent maintz vestiges espars en nostre pays comme à la Grenadière-lez-Sainct-Cyr, au bourg de Sacché lez-Azay-le-Ridel, à Marmoustiers, Veretz, la Roche-Corbon, et dans aulcuns typothecques des bons récits, qui sont chanoines anticques et preudes femmes ayant cogneu le bon tems où l’on iocquetoyt encores sans resguarder s’il vous sortoyt ung cheval ou de ioyeulx poulains des costes à chaque risée, comme font auiourd’hui les ieunes femmes qui vouldroyent soy esbattre gravement, chouse qui sied à nostre gaye France comme une huilière sur la teste d’une royne. Aussy, comme le rire est ung privilége octroyé seulement à l’homme, et qu’il y ha cause suffisante de larmes avecques les libertez publicques sans en adiouxter par les livres, ai-je creu chouse patrioticque en diable de publier une drachme de ioyeulsetez par ce tems où l’ennuy tombe comme une pluie fine qui mouille, nous perce à la longue, et va dissolvant nos anciennes coustumes qui faisoyent de la raye publicque un amusement pour le plus grant numbre. Ains de ces vieulx pantagruelistes qui laissoyent faire à Dieu et au Roy leur mestier, sans mettre la main à la paste plus que ne debvoyent, se contentant de rire, il y en a peu, il en chet tous les iours, en sorte que i’ay grant paour de veoir