Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 8.djvu/89

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


À ELLE.


Du sein de ces torrents de gloire et de lumière,
Où, sur des sistres d’or, les anges attentifs,
Aux pieds de Jéhova redisent la prière
De nos astres plaintifs ;

Souvent un chérubin à chevelure blonde,
Voilant l’éclat de Dieu sur son front arrêté,
Laisse aux parvis des cieux son plumage argenté,
Et descend sur le monde.

Il a compris de Dieu le bienfaisant regard :
Du génie aux abois il endort la souffrance ;
Jeune fille adorée, il berce le vieillard
Dans les fleurs de l’enfance ;

Il inscrit des méchants les tardifs repentirs ;
À la mère inquiète, il dit en rêve : Espère !
Et, le cœur plein de joie, il compte les soupirs
Qu’on donne à la misère.

De ces beaux messagers un seul est parmi nous,
Que la terre amoureuse arrête dans sa route ;
Mais il pleure, et poursuit d’un regard triste et doux
La paternelle voûte.

Ce n’est point de son front l’éclatante blancheur
Qui m’a dit le secret de sa noble origine,
Ni l’éclair de ses yeux, ni la féconde ardeur
De sa vertu divine.

Mais par tant de lueur mon amour ébloui
A tenté de s’unir à sa sainte nature,
Et du terrible archange il a heurté sur lui
L’impénétrable armure.

Ah ! gardez, gardez bien de lui laisser revoir
Le brillant séraphin qui vers les cieux revole ;
Trop tôt il en saurait la magique parole
Qui se chante le soir !

Vous les verriez alors, des nuits perçant les voiles,
Comme un point de l’aurore, atteindre les étoiles
Par un vol fraternel ;
Et le marin qui veille, attendant un présage,
De leurs pieds lumineux montrerait le passage,
Comme un phare éternel.