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CONTES DRÔLATIQUES.

sainct Iacques eut d’honneurs en Compostelle ; mais ce cocquard se cuysoyt et desseichoyt dans son ennuy, si tant, que les aultres finèrent par vouloir l’allégier. Ces chapperons fourrez, par esperit de chicquane, decretèrent que le dolent bonhomme n’estoyt point cocqu, veu que sa femme avoyt reffusé la iousterie ; et si le planteur de cornes avoyt esté aultre que le Roy, ils eussent entrepris la dissolution dudict mariage. Mais l’espoux estoyt affollé de ceste gouge à en mourir ; et, par adventure, il la laissa au Roy, se fiant qu’ung iour il la pourroyt avoir à luy, estimant qu’une nuictée avecques elle n’estoyt point trop payée par la honte de toute une vie. Il faut aymer, dà ! pour ce ; et il y ha beaucoup de braguards qui renifleroyent à ceste grant amour. Mais luy tousiours pensoyt à elle, négligeant ses plaids, ses cliens, ses voleries et tout. Il alloyt par le palais comme ung avare qui quert un bien perdu ; soulcieux, songe-creux ; mesmes qu’ung iour il compissa la robbe d’ung conseiller, cuydant estre iouxte le mur où les advocats vuydent leurs causes. Cependant la belle fille estoyt aymée soir et matin par le Roy, qui ne pouvoyt s’en assouvir, pour ce qu’elle avoyt des manières espéciales et gentes en amour, se cognoissant aussi bien à allumer le feu qu’à l’estaindre. Meshuy, rabbrouant le Roy ; demain, le papelardant ; iamais la mesme, et ayant des phantaisies plus de mille : au demourant, trez-bonne, iouant du bec comme aulcune ne