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L’HÉRITIER DU DIABLE.

— Ah ! feit-il tout espanté, ie recognoys que le diable s’est conduict à mon esguard en guallant homme ; ie prieray Dieu pour luy.

Et, là-dessus, il raconta naïfvement au chanoine comment le diable s’estoyt diverty à faire de la providence, et l’avoyt aydé à se débarrasser loyalement de ses maulvais cousins ; ce que le bon chanoine admira fort et conceut trez bien, veu qu’il avoyt beaucoup de bon sens encores, et souventes foys avoyt observé des chouses qui estoyent à l’advantaige du diable. Aussy ce vieulx bonhomme de prebstre disoyt-il qu’il se rencontroyt tousiours autant de bien dans le mal que de mal dans le bien, et, partant, qu’il falloit estre assez nonchalant de l’aultre vie : ce qui estoyt une griefve hérezie, dont maint concile ha faict iustice.

Voilà comment les Chiquons devindrent riches et purent, dans ces temps-cy, par la fortune de leur ayeul, ayder à bastir le pont Sainct-Michel, où le diable fait trez bonne figure sous l’ange, en mémoire de ceste adventure consignée ez histoires véridicques.




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