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LA PUCELLE DE THILHOUZE.

beste ; mais les terres estoyent bien desguarnies de ce gibier à haulte robbe, et ung pucelaige coustoyt bien chier à descotter. Cependant, force de furreter, force de s’enquérir, il advint que le sieur de Valesnes feut adverty que, dans Thilhouze, estoyt la veufve d’un tisserand, laquelle avoyt ung vray threzor en la personne d’une petite garse de seize ans, dont iamais elle n’avoyt quitté les iuppes et qu’elle menoyt elle-mesme faire de l’eaue, par haulte prévoyance maternelle ; puis la couchioyt dedans son propre lict ; la veigloyt, la faisoyt lever le matin, la laissoyt à tels travaulx, que, à elles deux, elles gaignoyent bien huict sols par chascun iour ; et, aux festes, la tenoyt en laisse à l’ecclise ; luy donnant à grant poine le loizir de broutter ung mot de ioyeulseté avecques les ieunes gars : encores ne falloyt-il point trop iouer des mains avecques la pucelle. Mais les temps, de ces temps-là, estoyent si durs, que la veufve et sa fille avoyent iuste du pain assez pour ne point mourir de faim ; et, comme elles demouroient chez ung de leurs parents paouvres, souvent elles manquoyent de bois en hyver et de hardes en esté ; debvoyent des loyers à effrayer ung sergent de iustice, lesquels ne s’effrayent point facilement des debtes d’aultruy. Brief, si la fille croissoyt en beaulté, la veufve croissoyt en misère et s’endebtoyt trez fort pour le pucelaige de sa garse, comme ung alquemiste pour son creuset où il fond tout.