Page:Balzac - Contes drolatiques.djvu/264

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
236
CONTES DRÔLATIQUES.

duquel despend ceste hostellerie, une belle fille qui, oultre ses advantaiges de nature, avoyt une bonne charge d’escuz. Doncques, aussitost qu’elle feut en aage et force de porter le faix du mariaige, elle eut autant d’amans qu’il y a de sols au tronc de Sainct-Gatien, le iour de Pasques. Ceste fille en esleut ung qui, sauf vostre respect, pouvoyt faire de la besongne le iour et la nuict autant que deux moynes. Aussi feurent-ils bientost accordez et le mariaige en bon train. Mais le bonheur de la première nuictée ne s’approuchoyt point sans causer une légière appréhension à l’accordée, veu que elle estoyt subiecte, par infirmité de ses conduicts soubterrains, à excogiter des vapeurs qui se résolvoyent en manière de bombe.

« Ores, redoubtant de laschier la bride à ses folles ventositez, pendant que elle penseroyt à aultre chouse, en ceste première nuict, elle fina par advouer son cas à sa mère, dont elle invocqua l’assistance. Lors la bonne dame luy déclara que ceste propriété d’engendrer le vent estoyt en elle ung héritaige de famille, et que elle avoyt esté fort empeschée en son temps ; mais que, sur le tard de la vie, Dieu luy avoyt faict la graace de serrer sa cropière, et que depuis sept ans elle n’avoyt rien évaporé, sauf une darrenière foys où, par fasson d’adieu, elle avoyt notablement esventé son desfunct mary. — Mais, dit-elle à sa fille, i’avoys une seure recepte, que me légua ma bonne mère, pour amener à rien ces paroles de surplus et les exhaler sans bruit. Ores, veu que ces souffles n’ont point odeurs maulvaises, le scandale est parfaictement évité. Pour ce, doncques, besoing est de laisser miioter la substance venteuse et la retenir à l’issue du pertuys, puis de poulser ferme : alors l’aër, s’estant amenuisé, coule comme ung soupçon. Et, en nostre famille, cecy s’appelle estrangler les pets.

« La fille, bien contente de sçavoir estrangler les pets, mercia sa mère, dança de la bonne fasson, tassant ses flatuositez au fond de son tuyau comme un souffleur d’orgue attendant le premier coup de la messe. Puis, venue en la chambre nuptiale, elle se délibéra d’expulser tout en montant au lict ; mais le fantasque élément s’estoyt si bien cuict, qu’il ne voulut point yssir. Le mary vint ; ie vous laisse à penser comme ils s’escrimèrent à la iolie bataille où avecques deux chouses on en faict mille, si l’on peut. Au mitant de la nuict, l’espousée se leva, soubz ung petit prétexte menteur, puis revint vitement : mais, en