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CONTES DRÔLATIQUES.

bien baiser le captif pour toutes les dames du royaulme ; et, s’il leur eust esté loysible de faire provision de liesse comme de moutarde, la Royne en eust esté encombrée à en vendre aux deux Castilles.

Ce pendant que madame Marguerite passoyt les monts, maulgré les neiges, à grand renfort de mules, courant à ces consolations comme au feu, le Roy se trouvoyt arrivé à la plus ardue pesanteur de reins où il devoyt estre en sa vie. Dans ceste extresme réverbération de nature, il s’ouvrit à l’Empereur Charles-Quint, à ceste fin d’estre pourveu d’ung miséricordieux spécifique, luy obiectant que ce seroyt honte esternelle à ung Roy d’en laisser mourir ung aultre, faulte de guallanterie. Le Castillan se monstra bon homme. Ores, pensant que il pourroyt se récupérer de ses Hespaignoles sur la ransson de son hoste, il arraisonna brouillificquement les gens commis à la guarde de son prisonnier, leur baillant licence occulte de luy complaire en cela. Doncques, ung certain don Hiios de Lara y Lopez Bara di Ponto, paouvre capitaine, desnué d’escuz maulgré sa généalogie, et qui songioyt depuis ung temps à quérir fortune en la Court de France, cuyda qu’en procurant au dict seigneur ung doux cataplasme de chair vifve il s’ouvriroyt une porte honnestement féconde, et de faict, ceux qui cognoissoient et la Court et le bon Roy sçavent s’il se trompoyt.

Quand le dessus dict capitaine vint à son tour de roole en la chambre du Roy de France, il luy demanda respectueusement si son bon plaisir estoyt de luy permettre une interrogation dont il estoyt curieux autant que d’indulgences papales. A quoy le prince, quittant sa mine hypocondriacque et se mouvant en la chaire où il estoyt sis, feit signe de consentement. Le capitaine luy dit de ne point s’offenser de la licence de son languaige ; puis, luy advouant qu’il avoyt renom d’estre, luy Roy, ung des plus grans paillards de France, il vouloyt sçavoir de luy-mesme si les dames de sa Court estoyent bien expertes en amour. Le paouvre Roy, se ramentevant ses bons coups, lascha ung sospir tiré de creux et dit nulles femmes d’aulcuns pays, y compris celles de la lune, ne cognoistre mieulx que les dames de France les secrets de cette alquémie, et que, au soubvenir des savoureuses, gracieuses et vigoureuses mignardises d’une seule, il se sentoyt homme, si elle