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LE CHASTEAU D’AZAY.

de riottes en ribauderies, de fil en esguille, la Régente déclara croire mieux en la virginité de la Royne Marie qu’au douzain promis. Ores, par adventure, Iacques de Beaune ne trouvoyt point d’aage à ceste grant dame, sous les toiles, veu que tout chet en métamorphose à la lueur des lampes de nuict. Bien des femmes de cinquante ans au jour ont vingt ans sur le minuict, comme aulcunes ont vingt ans à midy et cent après vespres. Doncques Jacques, plus heureux de ceste rencontre que de celle du Roy en ung iour de pendaison, tint derechief sa gageure. Ores, Madame, estonnée à part elle, y promit de son costé bonne assistance, oultre la seigneurie d’Azay-le-Bruslé, bien guarnie de mouvances, dont elle s’engagioyt à ensaisiner son cavalier, oultre la graace du père, si de ce duel elle sortoyt vaincue.

Lors le bon fils de dire : — Vécy pour saulver mon père de iustice ! Cecy pour le fief ! Cela pour les lods et ventes ! Cettuy pour la forest d’Azay ! Item pour le droit de pesche ! Encores pour les isles de l’Indre ! Gaignons la prairie ! Desgaigeons des mains de la iustice notre terre de la Carte, si chierement acheptée par mon père ! Voilà pour une charge en Court.

En arrivant sans encombre à cet à-compte, il crut la dignité de sa braguette engagiée, et songia que, tenant soubz luy la France, il s’en alloyt de l’honneur de la couronne. Brief, moyennant ung vœu qu’il feit à son patron monsieur saint Iacques de luy bastir une chapelle audict lieu d’Azay, il présenta son hommaige-lige à la Régente en unze périphrases claires, nettes, limpides et bien sonnantes. Pour ce qui est du darrenier épilogue de ce discours en bas lieu, le Tourangeau eut l’oultre-cuydance d’en vouloir festoyer largement la Régente, luy guardant, à son resveil, ung salut d’honneste homme, et comme besoing estoyt au seigneur d’Azay de mercier sa souveraine. Ce qui estoyt saigement entendu. Mais quand la nature est fourbue, elle agit comme ung vrai cheval, se couche, mourroyt soubz le fouet paravant de bougier, et gist iusques à ce que il luy plaise de se lever guarnie en ses magazins. Doncques, alors que, au matin, le faulxconneau du chasteau d’Azay entreprint de saluer la fille du Roy Loys unze, il feut contrainct, maulgré ses bonnetades, de la saluer comme se saluent les souverains, par des salves à