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CONTES DRÔLATIQUES.

ladicte estrangiere, laquelle estoyt si frisque, que nulle femme pareille n’avoyt esté encores veue par moy.

Plusieurs gens de toute sorte, ayant lors réputé ledict sieur chevalier pour mort, et disant luy demourer en ses pieds par la vertu d’aulcuns charmes, philtres, envousteries et sorcelleries diabolicques de ceste semblance de femme, laquelle vouloyt se logier en nostre pays, ie déclaire avoir tousiours veu le sieur chevalier si tellement pasle, que ie souloys æquiparer son visaige à la cire d’un cierge paschal ; et au sceu de tous les gens de l’hostellerie de la Cigoygne, cettuy chevalier ha esté mis en terre neuf iours après sa venue. Au dire de son escuyer, le deffunct se estoyt chaloureusement couplé avecques ladicte moresque pendant sept iours entiers, clouz en ma maison, sans estre sorty d’elle, ce que ie luy ay entendu advouer horrificquement en son lict de mort.

Aulcuns, en ce temps, ont dict cette diablesse avoir accollé sur elle ledict gentilhomme par ses longs cheveux, lesquels seroyent guarnis de propriétez chauldes par lesquelles sont communicquez aux chrestiens les feux de l’enfer soubz forme d’amour, et les faict besongner iusques à ce que leur ame soit, par ainsy, tirée de leur corps et acquise à Satan. Mais ie déclaire de ce n’avoir rien veu, si ce n’est ledict chevalier mort, esreiné, flatry, ne pouvant bougier, soubhaitant, maulgré son confesseur, encores aller à sa gouge, et ha esté recogneu pour estre le seigneur de Bueil, lequel s’estoyt croisé, et se trouvoyt, au dire de aulcuns de la ville, soubz le