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CONTES DRÔLATIQUES.

Le sieur Africquain, ayant esté représenté à ladicte souillarde, elle ha dict ne l’avoir point veu, encores que elle en feust curieuse, pour ce que il estoyt commis à la guarde de l’endroict où s’esbattoyt la Morisque avecques ceulx que elle grugioyt par le douzil.


En septiesme lieu, par devers nous ha esté traduict Hugues du Fou, fils du sieur de Bridoré, lequel aagé de vingt ans ha esté mis ez mains de messire son père, soubz caution de sa seigneurie ; et par luy représenté en ce pourchaz, duquel il despend, pour estre deuement atteint et convaincu d’avoir, assisté de plusieurs maulvais garsons incogneus, assiégé la geole de l’archevesque et du Chapitre, et de s’estre bendez à destourber la force de la iustice ecclésiasticque en faisant évader le démon dont s’agit. Maulgré son maulvais vouloir, avons com- fU, mandé audict Hugues du Fou de témoingner véridicquement touchant les chouses que il doibt sçavoir dudict démon, avecques lequel il est véhémentement réputé d’avoir accointance, luy obiectant que il s’en va de son salut et de la vie de ladicte démoniacque. Lequel, après serment, ha dict :

— Ie iure par mon salut éternel et par les Saincts Évangiles, cy présentez soubz ma main, tenir la femme soupçonnée d’estre ung démon pour ung ange, pour femme parfaicte, et plus encores d’ame que de corps ; vivant en toute honnesteté ; pleine de mignonneries et superfinesses d’amour ; nullement maulvaise, ains généreuse, aydant moult les paouvres et souffreteux. Ie déclaire que ie l’ay vue plourant de véritables larmes au trespas de mon amy le sire de Croixmare. Et, pour ce que, en ce iour elle avoyt faict vœu à Nostre Dame la Vierge de ne plus recepvoir à mercy d’amour des ieunes hommes nobles, trop foybles à son service, elle me ha constamment et avec grant couraige desnié la iouissance de son corps, et ne me ha octroyé que l’amour et possession de son cueur, dont elle me ha faict suzerain. Depuis ce don gracieux, obstant ma flamme croissante, ha demouré seu-