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CONTES DROLATIQUES.

Chapitre Sainct-Martin, où estoyent les plus haults et riches personnaiges de la chrestienté, veu que le roy de France y est simple chanoine. Doncques debvoys-ie rencontrer là, mieux que partout ailleurs, des services à rendre à aulcuns seigneurs, et, par ainsy, treuver des maistres, en estre patronné, puis par leur moyen entrer en religion et arriver à estre mitré comme ung aultre et collocqué en ung siège archiépiscopal, ie ne sçays où. Mais ceste prime visée estoyt oultre cuydante et ung petit trop ambitieuse, ce que Dieu me feit bien veoir par l’événement. De faict, messire Iehan de Villedomer, qui du depuys devint cardinal, feut mis en ceste place, et moy reiecté, desconfict. Lors, en ceste male heure, ie receus une allégeance à mes soulcys par l’advis du bon vieulx Hiérosme Cornille, penitencier de la cathédrale, dont ie vous ay souvent parlé. Ce chier homme me contraignit par sa doulceur à venir tenir la plume pour le Chapitre de Sainct-Maurice et archevesché de Tours : ce que ie feis avecques honneur, veu que ie estoys réputé grant escripvain. En l’année où i’alloys entrer en prebstrise s’esmeut le fameux procez du diable de la rue Chaulde, duquel parlent encores les anciens, et dont ils disent aux ieunes à la vesprée l’histoire, qui, dans le temps, ha esté racontée en tous les foyers de France. Ores, cuydant que ce seroyt à l’advantaige de mon ambition et que, pour ceste assistance, le Chapitre me poulseroyt en quelques dignitez, mon bon maistre me feit commettre à l’effet d’escribre tout ce qui debvoyt estre, en ceste griefve affaire, subiect à escriptures. De prime abord, monseigneur Hiérosme Cornille, homme approuchant octante années, et de grant sens, iustice et bon entendement, soupçonna quelques meschancetez en ceste cause. Encores que il n’aymast point les filles folles de leurs corps et n’eust iamais ronciné de femme en sa vie, laquelle estoyt saincte et vénérable, saincteté qui l’avoyt faict eslire pour iuge, ce néantmoins, aussytost que les dépositions feurent achevées et la paouvre garse entendue, il demoura clair que, bien que ceste ioyeulse galloise eust rompu le ban de son moustier, elle estoyt innocente de toute diablerie, et que ses grans biens estoyent convoitez par ses ennemys et aultres gens que ie ne veulx point te nommer par prudence. En ce temps, ung chascun la cuydoyt munie d’argent et d’or si abundamment que aulcuns disoyent qu’elle pouvoyt achepter la comté de Touraine, si bon luy plaisoyt. Doncques, mille mensonges et calumnieuses paroles dictes