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CONTES DRÔLATIQUES.

estoyent enflez d’usure et de deniers ; il les laissoyt amasser leur buttin comme mousches à miel, disant qu’ils estoyent les meilleurs collecteurs d’impost. Et ne les despouilloyt iamais que pour le prouffict et usaige des gens d’Ecclise, du Roy, de la province, ou pour son service à luy.

Ceste débonnaireté luy attrayoyt l’affection et l’estime de ung chascun, grants et petits. S’il revenoyt, soubriant, de son siége iusticial, l’abbé de Marmoustiers, vieil comme luy, disoyt : — Ha ! ha ! messire, il y ha doncques des pendus, que vous riez ainsy !… Et quand, venant de la Roche-Corbon à Tours, il passoyt à cheval le long du faulxbourg Sainct-Symphorien, les petites garses disoyent : — C’est iour de iustice, vécy le bon homme Bruyn. Et,

sans avoir paour, le resguardoyent chevaulchant sur une grant

Gustave Doré Contes drolatiques page 36
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hacquenée blanche qu’il avoyt ramenée du Levant. Sur le pont, les ieunes gars s’interrompoyent de iouer aux billes, et luy crioyent : — Boniour, monsieur le senneschal ! Et luy respondoyt en gaussant : — Amusez-vous bien, mes enfans, iusqu’à ce qu’on vous fouette. — Oui, monsieur le senneschal.

Aussy feit-il le pays si content et si bien balayé de voleurs, que, l’an du grand desbordement de la Loire, il n’y avoyt eu que vingt-deux malfaicteurs de pendus dans l’hyver, sans compter ung