Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 16.djvu/550

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s différentes armes, au paragraphe : de la pudeur dans ses rapports avec le mariage.

Quelques femmes lymphatiques affecteront d’avoir le spleen, et feront les mortes pour obtenir les bénéfices d’un secret divorce.

Mais presque toutes doivent leur indépendance à un plan dont l’effet est infaillible sur la plupart des maris et dont nous allons trahir les perfidies.

Une des plus grandes erreurs humaines consiste dans cette croyance que notre honneur et notre réputation s’établissent par nos actes, ou résultent de l’approbation que la conscience donne à notre conduite. Un homme qui vit dans le monde est né l’esclave de l’opinion publique. Or un homme privé a, en France, bien moins d’action que sa femme sur le monde, il ne tient qu’à celle-ci de le ridiculiser. Les femmes possèdent à merveille le talent de colorer par des raisons spécieuses les récriminations qu’elles se permettent de faire. Elles ne défendent jamais que leurs torts, et c’est un art dans lequel elles excellent, sachant opposer des autorités aux raisonnements, des assertions aux preuves, et remporter souvent de petits succès de détail. Elles se devinent et se comprennent admirablement quand l’une d’elles présente à une autre une arme qu’il lui est interdit d’affiler. C’est ainsi qu’elles perdent un mari quelquefois sans le vouloir. Elles apportent l’allumette, et, long-temps après, elles sont effrayées de l’incendie.

En général, toutes les femmes se liguent contre un homme marié accusé de tyrannie ; car il existe un lien secret entre elles, comme entre tous les prêtres d’une même religion. Elles se haïssent, mais elles se protégent. Vous n’en pourriez jamais gagner qu’une seule ; et encore pour votre femme, cette séduction serait un triomphe.

Vous êtes alors mis au ban de l’empire féminin. Vous trouvez des sourires d’ironie sur toutes les lèvres, vous rencontrez des épigrammes dans toutes les réponses. Ces spirituelles créatures forgent des poignards en s’amusant à en sculpter le manche avant de vous frapper avec grâce.

L’art perfide des réticences, les malices du silence, la méchanceté des suppositions, la faussé bonhomie d’une demande, tout est employé contre vous. Un homme qui prétend maintenir sa femme sous le joug est d’un trop dangereux exemple, pour qu’elles ne le détruisent pas ; sa conduite ne ferait-elle pas la satire de tous les