Page:Balzac Le Père Goriot 1910.djvu/128

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— Pourquoi ? répondit le quadragénaire en mettant son chapeau à larges bords et prenant une canne en fer avec laquelle il faisait souvent des moulinets en homme qui n’aurait pas craint d’être assailli par quatre voleurs.

— Je vais vous rendre, reprit Rastignac qui défit promptement un sac et compta cent quarante francs à madame Vauquer. Les bons comptes font les bons amis, dit-il à la veuve. Nous sommes quittes jusqu’à la Saint-Sylvestre. Changez-moi ces cent sous.

— Les bons amis font les bons comptes, répéta Poiret en regardant Vautrin.

— Voici vingt sous, dit Rastignac en tendant une pièce au sphinx en perruque.

— On dirait que vous avez peur de me devoir quelque chose ? s’écria Vautrin en plongeant un regard divinateur dans l’âme du jeune homme auquel il jeta un de ces sourires goguenards et diogéniques desquels Eugène avait été sur le point de se fâcher cent fois.

— Mais… oui, répondit l’étudiant qui tenait ses deux sacs à la main et s’était levé pour monter chez lui.

Vautrin sortait par la porte qui donnait dans le salon et l’étudiant se disposait à s’en aller par celle qui menait sur le carré de l’escalier.

— Savez-vous, monsieur le marquis de Rastignacorama, que ce que vous me dites n’est pas exactement poli, dit alors Vautrin en fouettant la porte du salon et venant à l’étudiant qui le regarda froidement.

Rastignac ferma la porte de la salle à manger, en emmenant avec lui Vautrin au bas de l’escalier, dans le carré qui séparait la salle à manger de la cuisine, où se trouvait