Page:Balzac Le Père Goriot 1910.djvu/97

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— Ne dites pas cela, monsieur de Rastignac. Nous autres femmes, nous ne voulons jamais de ce dont personne ne veut.

— Bah ! fit Eugène, je n’ai que vingt-deux ans, il faut savoir supporter les malheurs de son âge. D’ailleurs, je suis à confesse ; et il est impossible de se mettre à genoux dans un plus joli confessionnal : on y fait les péchés dont on s’accuse dans l’autre.

La duchesse prit un air froid à ce discours anti-religieux, dont elle proscrivit le mauvais goût en disant à la vicomtesse :

— Monsieur arrive…

Madame de Beauséant se prit à rire franchement et de son cousin et de la duchesse.

— Il arrive, ma chère, et cherche une institutrice qui lui enseigne le bon goût.

— Madame la duchesse, reprit Eugène, n’est-il pas naturel de vouloir s’initier aux secrets de ce qui nous charme ? — Allons, se dit-il en lui-même, je suis sûr que je leur fais des phrases de coiffeur.

— Mais madame de Restaud est, je crois, l’écolière de monsieur de Trailles, dit la duchesse.

— Je n’en savais rien, madame, reprit l’étudiant. Aussi me suis-je étourdiment jeté entre eux. Enfin, je m’étais assez bien entendu avec le mari, je me voyais souffert pour un temps par la femme, lorsque je me suis avisé de leur dire que je connaissais un homme que je venais de voir sortant par un escalier dérobé, et qui avait au fond d’un couloir embrassé la comtesse.

— Qui est-ce ? dirent les deux femmes.