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histoire de la ballade

rhythmes gracieux et bientôt populaires, le Virelai, le Rondeau, la Ballade.

Ils poussent en effet comme fleurs après que s’est éteint le grand vent des épopées guerrières, des chansons de gestes aux longues laisses.

M. Victor Le Clerc a signalé cette évolution de la Poésie française, en parlant d’un des derniers auteurs de chroniques rimées, de Creton, qui, en 1399, racontant en vers les luttes des maisons d’York et de Lancastre, s’arrête tout à coup, saisi d’un scrupule d’historien véridique, et continue en prose le récit commencé, de peur d’altérer dans une traduction poétique le langage de ses héros :

Or vous veuil dire, sans plus ryme quérir,
Du roi la prinse ; et, pour mieux accomplir
Les paroles qu’ils dirent au venir
Tous deux ensemble,
(Car retenus les ay bien, ce me semble)
Sy les diray en prose ; car il semble
Aucune fois qu’on adjoute ou assemble
Trop de langage
À sa matière de quoi on faict ouvrage.
Or veuille Dieu, qui nous faict à s’ymage,
Pugnir tous ceulx qui fierent tel outrage !

« C’était faire preuve de bon sens, ajoute M. Victor Le Clerc ; le règne de la prose était venu pour l’histoire. » Et aussi, ajouterons-nous, l’ère de l’émancipation pour la poésie.