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le sang de la coupe

Mais, que dis-je ! pardonne, ô poëte, ô Molière !
Philinte et Léonor, épris du vrai bonheur,
Henriette, Éliante, Elmire noble et fière,
Gardent comme un rempart la décence et l’honneur.

Ariste est de tout point le vrai sage ; Clitandre,
Cœur sans détour, épris d’un honnête entretien,
Reste sincère et franc sans cesser d’être tendre,
Et sans forfanterie, il est homme de bien.

Chrysale, défendant sa guenille si chère,
Trouve la vérité dans ses naïfs accents :
En Dorine et Toinette, humbles docteurs sans chaire,
Veille ton redoutable et sublime bon sens.

Ô grand esprit qu’il faut remercier sans cesse !
Toi qui portais ton œuvre avec des bras d’Atlas,
Toi-même en la voyant tu fus pris de tristesse,
Un pleur mouilla tes yeux, tu murmuras : Hélas !

Et pour nous détourner des images fatales,
Tu créas ces fronts purs et ces types charmants,
Fantômes adorés, figures idéales
Qui nous font croire encore aux nobles sentiments !

Oui, tous les verts lauriers et toutes les couronnes,
Ô Molière, sont dus à ton grand souvenir,
Et tes vers inspirés des leçons que tu donnes
Enchanteront encor les siècles à venir.