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trente-six

Malgré la mer jalouse et les récifs,
Venez, partons comme des fugitifs,
Loin de ce monde au souffle délétère.
Nous dont les cœurs sont des ramiers plaintifs,
Embarquons-nous pour la belle Cythère.

Des serpents gris se traînent sur le seuil
Où souriait Cypris, la chère image
Aux tresses d’or, la vierge au doux accueil !
Mais les amours sur le plus haut cordage
Nous chantent l’hymne adoré du voyage.
Héros cachés dans ces corps maladifs,
Fuyons, partons sur nos légers esquifs,
Vers le divin bocage où la panthère
Pleure d’amour sous les rosiers lascifs :
Embarquons-nous pour la belle Cythère.

Envoi.

Rassasions d’azur nos yeux pensifs !
Oiseaux chanteurs, dans la brise expansifs,
Ne souillons pas nos ailes sur la terre.
Volons, charmés, vers les Dieux primitifs !
Embarquons-nous pour la belle Cythère.


Mai 1861.