Page:Banville - La Lanterne magique, 1883.djvu/158

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tenant tu as assez étudié mes filles. Et donc, laquelle préfères-tu ? Je te la donne.

— Té ! grogne sourdement Marius, en faisant une moue féroce, et en expectorant un flot de fumée, qui entre dans sa barbe, et en ressort en filets bleus. Vos filles ? Eh bien ! je vais vous dire. Je me flanque autant de l’une comme de l’autre ? »


XCIII. — FAUSSE SORTIE

Au fond de la Thébaïde, sur la montagne, dans sa cabane de boue et de roseaux, saint Antoine s’est endormi un instant, et le cochon aussi. Quand ils s’éveillent tous les deux, la cabane a fait place à un vaste mélange de jardins et d’architectures, où brillent les ors, les marbres, les porphyres, les blanches nudités et les triomphes de fleurs. Des façades brodées à jour, des pilastres, d’audacieux escaliers s’élancent en plein ciel, et les lilas, les rosiers géants, les immenses lys fleurissent, en même temps que les arbres à fruit et les vignes succombent sous le poids des fruits mûrs. Et tout cela est plein de femmes nues aux voluptueuses rougeurs, qui en mille poses lascives et effrénées montrent leurs corps impudiques. Les unes, accrochées aux balcons de marbre, se terminent en arabesques de vivantes fleurs ; d’autres, dans les eaux, se terminent en queue de pois-