Page:Banville - La Lanterne magique, 1883.djvu/159

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son, et toutes chantent, sourient déchevelées, et allument l’air de leurs yeux de braise.

Vêtues seulement d’une veste de chasseur, des chasseresses nues percent les gibiers de leurs flèches ; d’autres pêchent dans les lacs des poissons monstrueux, et des femmes-cuisiniers, sans autre vêtement qu’une veste blanche comme la neige, accommodent ces victuailles.

Les tables du festin s’allongent à perte de vue, entourées de danses furieuses, et, sachant combien la laideur est immorale, d’autres démons font voir des fronts pointus et cornus, de longs nez absurdes et des ventres de crabes, tandis que mille animaux impurs grouillent dans la vase, et que dans l’air planent des milliers d’oiseaux vermeils et roses. Une belle reine, dont la chemise ouverte laisse voir la gorge pointue et dont un petit page porte la robe de clinquant et de pierreries, s’approche du saint et lui offre une coupe écumante. Mais lui, sans se laisser étonner, il dit à haute voix sa prière ; aussitôt, comme un tas de feuilles sèches balayées par l’ouragan, les arbres, les palais ajourés, les femmes folles sont emportés dans le vent déchaîné, et la cabane assainie reprend son aspect ordinaire.

Mais un pauvre petit diable vert, encore innocent et jeune, ne s’est pas assez hâté. Il se trouve pris dans la porte qui s’est refermée violemment, et déjà le compagnon de saint Antoine lui grignote les mollets, avec une évidente satisfaction. Le saint fait tous ses efforts, et de son bras vigoureux délivre le jeune diable, qui cepen-