Page:Banville - La Lanterne magique, 1883.djvu/223

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grande ligne d’une ampleur royale, l’oreille un peu grande, mais d’un beau dessin et ornée d’une longue perle, ont des sérénités décourageantes et font songer à cette noble Io d’Eschyle, qui, après que les Dieux lui eurent rendu sa forme première, avait gardé quelque chose de naïvement placide et bestial dans la victorieuse harmonie de sa parfaite, implacable et divine beauté.


21. — NADAR

Dans des incarnations précédentes, il a été Apollon (dont il garde un faux air) et don Juan. Comme dieu solaire, il est resté un peu rouge sous sa pâleur mate, et de son esclavage chez Admète il a gardé l’amour innocent des bêtes et le goût des lézards ramassés dans la forêt. Le jour où il a été englouti, en qualité de don Juan, dans l’église du couvent de San-Francisco, à Séville, il a été si cruellement roussi, qu’il en est resté coiffé de flammes mouvantes : le long signe de sa joue est fait lui-même avec du feu, et, dans cette histoire-là, son regard bienveillant et spirituel a pris pour l’éternité une nuance d’étonnement. Il a gardé de ses relations fantastiques avec don Gonzalo d’Ulloa, commandeur de Calatrava, un si mauvais souvenir, que depuis lors il déteste le marbre. On voit qu’il songe à retourner sur le mont Olympe, à l’aide d’un nouvel appareil d’auto-locomotion aérienne.