Page:Banville - La Lanterne magique, 1883.djvu/231

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devint grand seigneur, put, lui aussi, exprimer par sa personnalité physique toutes les élégances qu’il créa, et connut l’art de porter comme Lauzun la cravate blanche qui fait si triomphalement valoir son visage de héros d’amour, sa chevelure voltigeante, sa barbe fauve, et cette vareuse de velours qu’il transforme en un vêtement royal. Pourtant, regardez un peu plus attentivement le dandy-poète : vous trouverez le prophète et le penseur, le Jérémie atteint d’une tristesse éternelle sous son personnage en apparence si délicieusement insoucieux et frivole, car il faut toujours finir par avoir l’air de ce qu’on est, — et la seule vérité vraie au fond est la vérité mathématique !


30. — MADAME MATHILDE STEVENS

Une aimable tête mince, élégante, un peu juive, coiffée d’un or bruni frisé en buisson sur le devant, et qui par derrière forme casque. Cette Parisienne artiste, à la taille svelte, à l’allure savamment séduisante, est une de celles qui montrent comment la pensée moderne sut créer dans la réalité vivante des types de beauté, tandis que les anciens n’avaient pu inventer les leurs que dans la poésie et la statuaire. C’est une de ces perfections conscientes, une de ces femmes de Balzac qui se veulent telles qu’elles sont, et, créatrices d’elles-mêmes, se com-