Page:Banville - La Lanterne magique, 1883.djvu/235

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Épaminondas disait qu’il avait pour filles les batailles de Londres et de Mantinée. Le nom de la grande artiste est symbolique, car, s’il existe ici-bas un bonheur complet, n’est-ce pas celui qui consiste à se dégager des liens de la Matière, à se donner sans retour aux créations de l’esprit et à vivre avec l’Art dans un hymen dont rien ne trouble l’implacable et mystérieuse sérénité !


35. — JULES DE PRÉMARAY

Il est petit, comme Balzac exigeait que les penseurs le fussent, et, chez lui, l’expression, le regard, indiquent l’esprit et la hardiesse d’esprit. À le voir ardent, obstiné, volontaire, on devine un travailleur acharné, un observateur convaincu, un inventeur dramatique, vraiment né pour cet art robuste qui, en poésie, est le mâle et le soldat. Une tête irritée, comme l’homme, qui est irritable. Une chevelure noire, aujourd’hui un peu mêlée de quelques fils argentés, très abondante et frisée en coups de vent. Le nez est plus qu’aquilin, le teint fauve et coloré aux pommettes. Des yeux noirs, doux quelquefois, le plus souvent sombres. Par quel caprice le hasard s’est-il plu à donner à cet artiste énergique des mains d’infante et une merveilleuse petite oreille, semblable à la célèbre oreille de mademoiselle Forster chantée par