Page:Banville - La Lanterne magique, 1883.djvu/60

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incendié et fou d’un océan de métaux et de gemmes, qui sous la seule lueur d’une pâle lampe de nuit, brille de mille feux mystérieux et divins.

Tête-de-Loup va faire main basse sur ces trésors ; mais quelque chose comme un rayon de pourpre entre dans le coin de sa prunelle. Il tourne à demi la tête et regarde : ô vision céleste ! Sous les couvertures un peu défaites, la duchesse est endormie, riante, calme, apaisée, vêtue de sa seule chemise transparente ; et la chemise elle-même s’est ouverte, et laisse à découvert le plus beau sein, jeune, ferme, aigu, d’une forme idéalement pure et parfaite et d’une blancheur vivante, avec de pâles veines bleues et des boutons tendrement rougissants comme ceux des fraîches roses.

Pensant avec raison que nulle richesse ne peut valoir ce merveilleux spectacle, et qu’ayant pu le contempler il est royalement payé de ses peines, le voleur remet les joyaux à leur place, et y ajoute même, en la retirant de son doigt, une émeraude d’un prix inestimable, qu’il a récemment dérobée à l’héritier d’un des plus beaux trônes de l’Europe. Et il redescend par l’échelle de corde attachée à la fenêtre encore ouverte, emportant dans ses sombres yeux un éblouissement qui, sous les cieux lointains où les juges ne manqueront pas de l’envoyer un jour ou l’autre, le consolera de tout, même du gémissement désespéré de la mer !