Page:Banville - Les Parisiennes de Paris.djvu/82

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et revenue à son caractère, tu en as encore pour huit ans à être mineure : comment faire pour t’affranchir de ta mère, car le Code est formel ?

— Voilà, dit Emmeline, j’ai joué le grand jeu, j’ai intéressé à moi madame de Therme, une des plus grandes dames de France, que j’ai rencontrée chez son confesseur. Je me suis jetée à ses pieds, et je l’ai suppliée de me faire entrer dans une maison religieuse, en lui disant que ma mère voulait me vendre. Il a été question d’assembler un conseil de famille et d’enlever ma tutelle à madame Bazin ; mais j’ai un moyen de tout arrêter, si ma mère veut être raisonnable et se contenter de se marier avec une honnête aisance.

— Seulement, fit Euphrasie, il te faut un dépositaire !

— Oui, ma biche. Tu y viens donc ? Je vous apporte la fortune, mais n’espérez pas m’égorger ; vous aurez un quart dans les bénéfices, pas un liard de plus, car je garde votre fafiot, et je le rangerai dans un endroit où personne ne le retrouvera, pas toi plutôt que les autres. Il y a bien le cas où tu me le prendrais de force à présent, mais (dit-elle en tirant de sa poche un poignard long et aigu), il y a aussi ça.

— Ah ! ma chère, répondit Euphrasie avec un soupir d’envie, tu es joliment forte !

— Oui, dit Emmeline. J’aurai deux cent mille francs sur l’affaire des terrains du clos Saint-Lazare, puis il y a les rentes, deux cents actions dans l’affaire des fiacres, dès qu’elle se fera, et c’est à moi spécialement qu’a été donné le privilége du petit théâtre à bâtir rue de Rivoli ; seulement il me faut un prête-nom, c’est Agénor qui le sera, et c’est lui aussi qui réalisera en argent les malles de bijoux que j’ai enfouies. Il sera riche et toi aussi, et moi aussi, moi surtout ! Mon plan est bien simple ;