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À cette lumière blafarde, je vis un taudis affreux, un grabat dans un coin, une table chargée d’énormes bouquins et d’une écritoire en étain, deux chaises boiteuses, et dans les lézardes des murs d’épaisses toiles d’araignées.

Je trouvai Népomucène plus heureux que le Pierre Gringoire de Victor Hugo, qui n’avait pour toit que la calotte des cieux.


XI.

PREMIÈRES PASSES D’ARMES.


On mit boissons et victuailles sur la table étonnée de porter tant et de si bonnes choses.

On déboucha les bouteilles et l’on ouvrit les boîtes de conserves alimentaires.

On se versa un verre de cognac.

Nepomucène regarda son verre à la lueur de la chandelle, et tout charmé le porta à ses lèvres. Il dégusta lentement. Sa figure paraissait ravie, c’était l’extase. Tel est le voyageur altéré qui venant du Sahara et n’ayant bu depuis trois jours, boit son premier verre d’eau. (C’est une mauvaise image.)

Car entre disciples de Bacchus, on ne doit jamais parler d’eau ; encore moins mettre de l’eau dans son vin.)

— Maintenant causons, dit Nepomucène.

— Causons.

— J’ai quelque chose à te confier.

Il dit ces quelques mots d’un air rêveur.


XII.

PROPOS PHILOSOPHIQUES.


— Mais on devrait parler du passé, évoquer nos joyeux souvenirs, dis-je à Nepomucène. Après viendra ta confidence.

Nepomucène répondit : Le passé, on ne le tient plus, puisqu’il est passé. Le présent, on ne le tient pas, puisqu’il passe. L’avenir, on ne le tiendra pas, puisqu’il passera.

— Cela revient à la devise d’Alexandre Dumas, père : « Tout lasse, tout passe, tout casse. »

— Justement.

— Réponds à une question.