Page:Barbara - L’Assassinat du Pont-Rouge, 1859.djvu/130

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« Oh ! que ne puis-je parler ! dit-il un jour avec des sanglots dans la gorge.

— Qui vous en empêche ? » dit Max d’une voix éteinte.

Il est à noter que, de plus en plus froids à l’égard l’un de l’autre, ils en étaient venus peu à peu à alterner le tu et le vous, et, finalement, à ne plus faire usage que de ce dernier terme.

« Est-ce donc uniquement ma chair qui souffre ? ajouta Clément qui se serrait la tête de ses poings. Cette chair misérable est-elle susceptible de sentir tant de choses ? Non, évidemment, non !… Aurais-je une âme ?… Et si j’en ai une !…

— En doutez-vous encore ?

— Je le voudrais, je le veux ! »

La manière dont Clément pencha la tête et la cacha dans ses mains attestait que le désespoir avait usé ses forces et que son je le veux ! n’était plus qu’un mot.

« Est-ce ma faute, disait-il un autre jour, si j’ai vu ce que j’ai vu et senti ce que j’ai senti ? Étais-je libre de penser contrairement à mes impressions et pouvais-je croire en ce que je jugeais radicalement faux ? Le scepticisme coulait dans mes veines avec mon sang, et je ne découvrais rien qui n’ajoutât encore à mon incrédulité. Dans cette société où j’ai grandi, je n’ai jamais aperçu et n’aperçois encore que confusion et désordre. On pourrait dire que l’habileté