Page:Barbey d'Aurevilly-Les diaboliques (Les six premières)-ed Lemerre-1883.djvu/102

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m’informer du moins de ce qu’on savait, de ce qui y avait filtré de ma tragique aventure. Mais quelque chose qui n’est pas, certes, le respect de l’opinion, dont je me suis moqué toute ma vie, quelque chose qui ressemblait à cette peur que je ne voulais pas sentir une seconde fois, m’en a toujours empêché. »

Il se tut encore, ce dandy qui m’avait raconté, sans le moindre dandysme, une histoire d’une si triste réalité. Je rêvais sous l’impression de cette histoire, et je comprenais que ce brillant vicomte de Brassard, la fleur non des pois, mais des plus fiers pavots rouges du dandysme, le buveur grandiose de claret, à la manière anglaise, fût comme un autre, un homme plus profond qu’il ne paraissait. Le mot me revenait qu’il m’avait dit, en commençant, sur la tache noire qui, pendant toute sa vie, avait meurtri ses plaisirs de mauvais sujet… quand, tout à coup, pour m’étonner davantage encore, il me saisit le bras brusquement :

— Tenez ! — me dit-il, — voyez au rideau !

L’ombre svelte d’une taille de femme venait d’y passer en s’y dessinant !

— L’ombre d’Alberte ! — fit le capitaine. — Le hasard est par trop moqueur ce soir, — ajouta-t-il avec amertume.

Le rideau avait déjà repris son carré vide, rouge et lumineux. Mais le charron, qui, pen-