Page:Barbey d'Aurevilly-Les diaboliques (Les six premières)-ed Lemerre-1883.djvu/135

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toujours retrouvée à la même place et qui semblait une hostilité, j’avais fini par laisser là cette sensitive, couleur de souci, qui se rétractait si violemment au contact de la moindre caresse… et je ne lui parlais même plus ! « Elle sent bien que vous la volez, — me disait la marquise. — Son instinct lui dit que vous lui prenez une portion de l’amour de sa mère. » Et quelquefois, elle ajoutait dans sa droiture : « C’est ma conscience que cette enfant, et mon remords, sa jalousie. »

« Un jour, ayant voulu l’interroger sur cet éloignement profond qu’elle avait pour moi, la marquise n’en avait obtenu que ces réponses brisées, têtues, stupides, qu’il faut tirer, avec un tire-bouchon d’interrogations répétées, de tous les enfants qui ne veulent rien dire… « Je n’ai rien… je ne sais pas, » et voyant la dureté de ce petit bronze, elle avait cessé de lui faire des questions, et, de lassitude, elle s’était détournée…

« J’ai oublié de vous dire que cette enfant bizarre était très dévote, d’une dévotion sombre, espagnole, moyen âge, superstitieuse. Elle tordait autour de son maigre corps toutes sortes de scapulaires et se plaquait sur sa poitrine, unie comme le dos de la main, et autour de son cou bistré, des tas de croix, de bonnes Vierges et de Saint-Esprits ! « Vous êtes mal-