Page:Barbey d'Aurevilly-Les diaboliques (Les six premières)-ed Lemerre-1883.djvu/206

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reculer mon cheval dans l’ombre du bois de sapins. Serlon et Hauteclaire vinrent s’accouder sur la rampe en fer du balcon. Je les discernais à merveille. La lune tomba derrière le petit bois, mais la lumière d’un candélabre, que je voyais derrière eux dans l’appartement, mettait en relief leur double silhouette. Hauteclaire était vêtue, si cela s’appelle vêtue, comme je l’avais vue tant de fois, donnant ses leçons à V…, lacée dans ce gilet d’armes de peau de chamois qui lui faisait comme une cuirasse, et les jambes moulées par ces chausses en soie qui en prenaient si juste le contour musclé. Savigny portait à peu près le même costume. Sveltes et robustes tous deux, ils apparaissaient sur le fond lumineux, qui les encadrait, comme deux belles statues de la Jeunesse et de la Force. Vous venez tout à l’heure d’admirer dans ce jardin l’orgueilleuse beauté de l’un et de l’autre, que les années n’ont pas détruite encore. Eh bien ! aidez-vous de cela pour vous faire une idée de la magnificence du couple que j’apercevais alors, à ce balcon, dans ces vêtements serrés qui ressemblaient à une nudité. Ils parlaient, appuyés à la rampe, mais trop bas pour que j’entendisse leurs paroles ; mais les attitudes de leurs corps les disaient pour eux. Il y eut un moment où Savigny laissa tomber passionnément son bras autour de cette taille d’a-