Page:Barbey d'Aurevilly-Les diaboliques (Les six premières)-ed Lemerre-1883.djvu/24

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malheur avait tué la grâce, savait en retrouver pour lui. Le ministre, voyant cette faveur, aurait tout fait pour l’avancement de l’homme que Madame distinguait ainsi ; mais, avec la meilleure volonté du monde, que faire pour cet enragé dandy qui — un jour de revue — avait mis l’épée à la main, sur le front de bandière de son régiment, contre son inspecteur général, pour une observation de service ?… C’était assez que de lui sauver le conseil de guerre. Ce mépris insouciant de la discipline, le vicomte de Brassard l’avait porté partout. Excepté en campagne, où l’officier se retrouvait tout entier, il ne s’était jamais astreint aux obligations militaires. Maintes fois, on l’avait vu, par exemple, au risque de se faire mettre à des arrêts infiniment prolongés, quitter furtivement sa garnison pour aller s’amuser dans une ville voisine et n’y revenir que les jours de parade ou de revue, averti par quelque soldat qui l’aimait, car si ses chefs ne se souciaient pas d’avoir sous leurs ordres un homme dont la nature répugnait à toute espèce de discipline et de routine, ses soldats, en revanche, l’adoraient. Il était excellent pour eux. Il n’en exigeait rien que d’être très braves, très pointilleux et très coquets, réalisant enfin le type de l’ancien soldat français, dont la Permission de dix heures et trois à quatre