Page:Barbey d'Aurevilly-Les diaboliques (Les six premières)-ed Lemerre-1883.djvu/248

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des choses, le revenu insuffisant des fortunes médiocres dans leur pays.

« Fils de la même barque de pirates que les Normands, à leurs yeux c’était une espèce de Continental England que cette ville normande, et ils y faisaient de longs séjours.

« Les petites miss y apprenaient le français en poussant leur cerceau sous les grêles tilleuls de la place d’armes ; mais, vers dix-huit ans, elles s’envolaient en Angleterre, car cette noblesse ruinée ne pouvait guère se permettre le luxe dangereux d’épouser des filles qui n’ont qu’une simple dot, comme les Anglaises. Elles partaient donc, mais d’autres migrations venaient bientôt s’établir dans leurs demeures abandonnées, et les rues silencieuses, où l’herbe poussait comme à Versailles, avaient toujours à peu près le même nombre de promeneuses à voile vert, à robe à carreaux, et à plaid écossais. Excepté ces séjours, en moyenne de sept à dix ans, que faisaient ces familles anglaises, presque toutes renouvelées à de si longs intervalles, rien ne rompait la monotonie d’existence de la petite ville dont il est question. Cette monotonie était effroyable.

« On a souvent parlé — et que n’a-t-on point dit ! — du cercle étroit dans lequel tourne la vie de province ; mais ici cette vie, pauvre par-