Page:Barbey d'Aurevilly-Les diaboliques (Les six premières)-ed Lemerre-1883.djvu/287

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rideaux de mousseline brodée, voiles purs, élégants, et à moitié relevés d’une vie calme, il devait y avoir depuis longtemps un roman qu’on aurait juré impossible. Oui, le roman était à cette vie correcte, irréprochable, réglée, moqueuse, froide jusqu’à la maladie, où l’esprit semblait tout et l’âme rien. Il y était, et la rongeait sous les apparences et la renommée, comme les vers qui seraient au cadavre d’un homme avant qu’il ne fût expiré.

— Quelle abominable comparaison ! — fit encore observer la baronne de Mascranny. — Ma pauvre Sibylle avait presque raison de ne pas vouloir de votre histoire. Décidément, vous avez un vilain genre d’imagination, ce soir.

— Voulez-vous que je m’arrête ? — répondit le conteur, avec une sournoise courtoisie et la petite rouerie d’un homme sûr de l’intérêt qu’il a fait naître.

— Par exemple ! — reprit la baronne ; — est-ce que nous pouvons rester, maintenant, l’attention en l’air, avec une moitié d’histoire ?

— Ce serait aussi par trop fatigant ! — dit, en défrisant une de ses longues anglaises d’un beau noir bleu, Mlle Laure d’Alzanne, la plus languissante image de la paresse heureuse, avec le gracieux effroi de sa nonchalance menacée.

— Et désappointant, en plus ! — ajouta