Page:Barbey d'Aurevilly-Les diaboliques (Les six premières)-ed Lemerre-1883.djvu/31

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cheveux, comme le casque, en le dégarnissant un peu au sommet, avait rendu plus vaste et plus fier, le vicomte de Brassard cachait presque, tant ils étaient enfoncés sous l’arcade sourcilière, deux yeux étincelants, d’un bleu très sombre, mais très brillants dans leur enfoncement et y piquant comme deux saphirs taillés en pointe ! Ces yeux-là ne se donnaient pas la peine de scruter, et ils pénétraient. Nous nous prîmes la main, et nous causâmes. Le capitaine de Brassard parlait lentement, d’une voix vibrante qu’on sentait capable de remplir un Champ-de-Mars de son commandement. Élevé dès son enfance, comme je vous l’ai dit, en Angleterre, il pensait peut-être en anglais ; mais cette lenteur, sans embarras du reste, donnait un tour très particulier à ce qu’il disait, et même à sa plaisanterie, car le capitaine aimait la plaisanterie, et il l’aimait même un peu risquée. Il avait ce qu’on appelle le propos vif. Le capitaine de Brassard allait toujours trop loin, disait la comtesse de F…, cette jolie veuve, qui ne porte plus que trois couleurs depuis son veuvage : du noir, du violet et du blanc. Il fallait qu’il fût trouvé de très bonne compagnie pour ne pas être souvent trouvé de la mauvaise. Mais quand on en est réellement, vous savez bien qu’on se passe tout, au faubourg Saint-Germain !