Page:Barbey d'Aurevilly-Les diaboliques (Les six premières)-ed Lemerre-1883.djvu/311

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qu’il avait promis et dont il n’avait montré que ce qu’il en savait, c’est-à-dire les extrémités. L’émotion prolongeait le silence. Chacun restait dans sa pensée et complétait, avec le genre d’imagination qu’il avait, ce roman authentique dont on n’avait à juger que quelques détails dépareillés. À Paris, où l’esprit jette si vite l’émotion par la fenêtre, le silence, dans un salon spirituel, après une histoire, est le plus flatteur des succès.

— Quel aimable dessous de cartes ont vos parties de whist ! — dit la baronne de Saint-Albin, joueuse comme une vieille ambassadrice. — C’est très vrai ce que vous disiez. À moitié montré il fait plus d’impression que si l’on avait retourné toutes les cartes et qu’on eût vu tout ce qu’il y avait dans le jeu.

— C’est le fantastique de la réalité, — fit gravement le docteur.

— Ah ! — dit passionnément Mlle Sophie de Revistal, — il en est également de la musique et de la vie. Ce qui fait l’expression de l’une et de l’autre, ce sont les silences bien plus que les accords.

Elle regarda son amie intime, l’altière comtesse de Damnaglia, au buste inflexible, qui rongeait toujours le bout d’ivoire, incrusté d’or, de son éventail. Que disait l’œil d’acier bleuâtre de la comtesse ?… Je ne la voyais pas, mais