Page:Barbey d'Aurevilly-Les diaboliques (Les six premières)-ed Lemerre-1883.djvu/355

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sations à bâtons rompus et à vitres et à verres cassés de ces hommes, grands mangeurs, grands buveurs, bourrés de victuailles échauffantes, incendiés de vins capiteux, et qui, avant le troisième service, avaient lâché la bride à tous les propos et fait feu des quatre pieds dans leurs assiettes. Ce n’étaient pas toujours des impiétés, du reste, qui étaient le fond de ces conversations, mais c’en étaient les fleurs ; et on peut dire qu’il y en avait dans tous les vases !… Songez donc ! c’était le temps où Paul-Louis Courier, qui aurait très bien figuré à ces dîners-là, écrivait cette phrase pour fouetter le sang à la France : « La question est maintenant de savoir si nous serons capucins ou laquais. » Mais ce n’était pas tout. Après la politique, la haine des Bourbons, le spectre noir de la Congrégation, les regrets du passé pour ces vaincus, toutes ces avalanches qui roulaient en bouillonnant d’un bout à l’autre de cette table fumante, il y avait d’autres sujets de conversation, à tempêtes et à tintamarres. Par exemple, il y avait les femmes. La femme est l’éternel sujet de conversation des hommes entre eux, surtout en France, le pays le plus fat de la terre. Il y avait les femmes en général et les femmes en particulier, — les femmes de l’univers et celle de la porte à côté, — les femmes des pays que beaucoup de ces sol-