Page:Barbey d'Aurevilly-Les diaboliques (Les six premières)-ed Lemerre-1883.djvu/356

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dats avaient parcourus, en faisant les beaux dans leurs grands uniformes victorieux, et celles de la ville, chez lesquelles ils n’allaient peut-être pas, et qu’ils nommaient insolemment par nom et prénom, comme s’ils les avaient intimement connues, sur le compte de qui, parbleu ! ils ne se gênaient pas, et dont, au dessert, ils pelaient en riant la réputation, comme ils pelaient une pêche, pour, après, en casser le noyau. Tous prenaient part à ces bombardements de femmes, même les plus vieux, les plus coriaces, les plus dégoûtés de la femelle, ainsi qu’ils disaient cyniquement, car les hommes peuvent renoncer à l’amour malpropre, mais jamais à l’amour-propre de la femme, et, fût-ce sur le bord de leur fosse ouverte, ils sont toujours prêts à tremper leurs museaux dans ces galimafrées de fatuité !

Et ils les y trempèrent, ce jour-là, jusqu’aux oreilles, à ce dîner qui fut, comme déchaînement de langues, le plus corsé de tous ceux que le vieux M. de Mesnilgrand eût donnés. Dans cette salle à manger, présentement muette, mais dont les murs nous en diraient de si belles s’ils pouvaient parler, puisqu’ils auraient ce que je n’ai pas, moi, l’impassibilité des murs, l’heure des vanteries qui arrive si vite dans les dîners d’hommes, d’abord décente, — puis indécente bientôt, — puis débouton-