Page:Barbey d'Aurevilly-Les diaboliques (Les six premières)-ed Lemerre-1883.djvu/361

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çonnet. — Mais n’interromps donc pas l’abbé. L’abbé, finissez-nous l’histoire.

— Ah ! l’histoire — reprit Reniant — sera bientôt contée. Je disais donc, monsieur Le Carpentier, cette fille d’Hémevès, vous en souvenez-vous ? On l’appelait la Tesson… Joséphine Tesson, si j’ai bonne mémoire, une grosse maflée, — une espèce de Marie Alacoque pour le tempérament sanguin, — l’âme damnée des chouans et des prêtres, qui lui avaient allumé le sang, qui l’avaient fanatisée et rendue folle… Elle passait sa vie à les cacher, les prêtres… Quand il s’agissait d’en sauver un, elle eût bravé trente guillotines. Ah ! les ministres du Seigneur ! comme elle les nommait, elle les cachait chez elle, et partout. Elle les eût cachés sous son lit, dans son lit, sous ses jupes, et, s’ils avaient pu y tenir, elle les aurait tous fourrés et tassés, le Diable m’emporte ! là où elle avait mis leur boîte à hosties — entre ses tetons !

— Mille bombes ! — fit Rançonnet, exalté.

— Non, pas mille, mais deux seulement, monsieur Rançonnet, — dit, en riant de son calembour, le vieux apostat libertin ;  — mais elles étaient de fier calibre !

Le calembour trouva de l’écho. Ce fut une risée.

— Singulier ciboire qu’une gorge de femme ! — fit le docteur Bleny, rêveur.