Page:Barbey d'Aurevilly-Les diaboliques (Les six premières)-ed Lemerre-1883.djvu/392

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Il n’y a pas de figures pour exprimer le plaisir qui jaillissait de cette pêche humaine, rougissant sous le regard le moins appuyé comme si vous l’aviez mordue. Imaginez ce que c’était quand, au lieu du regard, on mettait la lèvre ou la dent de la passion dans cette chair émue et sanguine. Ah ! le corps de cette femme était sa seule âme ! Et c’est avec ce corps-là qu’elle me donna, un soir, une fête qui vous fera juger d’elle mieux que tout ce que je pourrais ajouter. Oui, un soir, n’eut-elle pas l’audace et l’indécence de me recevoir, n’ayant pour tout vêtement qu’une mousseline des Indes transparente, une nuée, une vapeur, à travers laquelle on voyait ce corps, dont la forme était la seule pureté et qui se teignait du double vermillon mobile de la volupté et de la pudeur !… Que le Diable m’emporte si elle ne ressemblait pas, sous sa nuée blanche, à une statue de corail vivant ! Aussi, depuis ce temps, je me suis soucié de la blancheur des autres femmes comme de ça ! »

Et Mesnilgrand envoya d’une chiquenaude une peau d’orange à la corniche, par-dessus la tête du représentant Le Carpentier, qui avait fait tomber celle du roi.

« Notre liaison dura quelque temps, — continua-t-il, — mais ne croyez pas que je me blasai d’elle. On ne s’en blasait pas. Dans la sensa-