Page:Barbey d'Aurevilly-Les diaboliques (Les six premières)-ed Lemerre-1883.djvu/402

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dossier de son fauteuil, la tête renversée ; elle me regardait, dans ce mélange de désir et de confusion qui était son charme, les yeux en l’air et tournés vers moi, qui étais derrière elle, et qui fis descendre dans la rose mouillée de sa bouche entr’ouverte ce que je venais de faire tomber dans l’entre-deux de ses épaules.

« Cette sensitive avait des nerfs de tigre. Tout à coup, elle bondit : — Voilà le major qui monte, — me dit-elle. — Il aura perdu, il est jaloux quand il a perdu. Il va me faire une scène affreuse. Voyons ! mettez-vous là… je vais le faire partir. — Et, se levant, elle ouvrit un grand placard dans lequel elle pendait ses robes, et elle m’y poussa. Je crois qu’il y a bien peu d’hommes qui n’aient été mis dans quelque placard, à l’arrivée du mari ou du possesseur en titre…

— Je te trouve heureux avec ton placard ! — dit Sélune ; — je suis entré un jour dans un sac à charbon, moi ! C’était, bien entendu, avant ma sacrée blessure. J’étais dans les hussards blancs alors. Je vous demande dans quel état je suis sorti de mon sac à charbon !

— Oui, — reprit amèrement Mesnilgrand, — c’est encore là un des revenants-bons de l’adultère et du partage ! En ces moments-là, les plus fendants ne sont pas fiers, et, par générosité pour une femme épouvantée, ils deviennent aussi