Page:Barbey d'Aurevilly-Les diaboliques (Les six premières)-ed Lemerre-1883.djvu/403

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lâches qu’elle, et font cette lâcheté de se cacher. J’en ai, je crois, mal au cœur encore d’être entré dans ce placard, en uniforme et le sabre au côté, et, comble de ridicule ! pour une femme qui n’avait pas d’honneur à perdre et que je n’aimais pas !

« Mais je n’eus pas le temps de m’appesantir sur cette bassesse d’être là, comme un écolier dans les ténèbres de mon placard et les frôlements sur mon visage de ses robes, qui sentaient son corps à me griser. Seulement, ce que j’entendis me tira bientôt de ma sensation voluptueuse. Le major était entré. Elle l’avait deviné, il était d’une humeur massacrante, et, comme elle l’avait dit, dans un accès de jalousie, et d’une jalousie d’autant plus explosive qu’avec nous tous il la cachait. Disposé au soupçon et à la colère comme il l’était, son regard alla probablement à cette lettre restée sur la table, et à laquelle mes deux baisers avaient empêché la Pudica de mettre l’adresse.

« — Qu’est-ce que c’est que cette lettre ?… fit-il, — d’une voix rude.

« — C’est une lettre pour l’Italie, — dit tranquillement la Pudica.

« Il ne fut pas dupe de cette placide réponse.

« — Cela n’est pas vrai ! — dit-il grossièrement, car vous n’aviez pas besoin de gratter beaucoup le Lauzun dans cet homme pour y retrouver le