Page:Barbey d'Aurevilly-Les diaboliques (Les six premières)-ed Lemerre-1883.djvu/406

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joyeuse, comme si elle lui eût dansé des entrechats sur le cœur ! — Or, cette idée — qu’elle ne l’avait jamais aimé — était ce qu’il y avait de plus féroce, de plus affolant pour ce fat heureux, pour cet homme dont la beauté avait fait ravage, et qui, derrière son amour pour elle, avait encore sa vanité ! Aussi arriva-t-il une minute où, n’y tenant plus, sous le dard de ce mot, impitoyablement répété, qu’elle ne l’avait jamais aimé, et qu’il ne voulait pas croire, et qu’il repoussait toujours :

« — Et notre enfant ? — objecta-t-il, l’insensé ! comme si c’était une preuve, et comme s’il eût invoqué un souvenir !

« — Ah ! notre enfant ! — fit-elle, en éclatant de rire. — Il n’était pas de toi !

« J’imaginai ce qui dut se passer dans les yeux verts du major, en entendant son miaulement étranglé de chat sauvage. Il poussa un juron à fendre le ciel. — Et de qui est-il ? garce maudite ! — demanda-t-il, avec quelque chose qui n’était plus une voix.

« Mais elle continua de rire comme une hyène.

« — Tu ne le sauras pas ! — dit-elle, en le narguant. Et elle le cingla de ce tu ne le sauras pas ! mille fois répété, mille fois infligé à ses oreilles ; et quand elle fut lasse de le dire, — le croiriez-vous ? — elle le lui chanta comme une