Page:Barbey d'Aurevilly-Les diaboliques (Les six premières)-ed Lemerre-1883.djvu/408

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noncé par elle, m’atteignit comme une balle à travers mon placard. Après ce nom, il y eut un silence comme après un égorgement. — L’a-t-il tuée au lieu de lui répondre ? — pensé-je, lorsque j’entendis le bruit d’un cristal, jeté violemment sur le sol, et qui y volait en mille pièces.

« Je vous ai dit que le major Ydow avait eu, pour l’enfant qu’il croyait le sien, un amour paternel immense et, quand il l’avait perdu, un de ces chagrins à folies, dont notre néant voudrait éterniser et matérialiser la durée. Dans l’impossibilité où il était, avec sa vie militaire en campagne, d’élever à son fils un tombeau qu’il aurait visité chaque jour, — cette idolâtrie de la tombe ! — le major Ydow avait fait embaumer le cœur de son fils pour mieux l’emporter avec lui partout, et il l’avait déposé pieusement dans une urne de cristal, habituellement placée sur une encoignure, dans sa chambre à coucher. C’était cette urne qui volait en morceaux.

« — Ah ! il n’était pas à moi, abominable gouge ! — s’écria-t-il. Et j’entendis, sous sa botte de dragon, grincer et s’écraser le cristal de l’urne, et piétiner le cœur de l’enfant qu’il avait cru son fils !

« Sans doute, elle voulut le ramasser, elle ! l’enlever, le lui prendre, car je l’entendis qui