Page:Barbey d'Aurevilly-Les diaboliques (Les six premières)-ed Lemerre-1883.djvu/51

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ses mauvais sujets, que nous appelions « le Minotaure », non pas au point de vue des cornes, quoiqu’il en portât, puisqu’il avait tué l’amant de sa femme, mais au point de vue de la consommation ?… »

— Oui, je l’ai connu, — répondis-je, — mais vieux, incorrigible, se débauchant de plus en plus à chaque année qui lui tombait sur la tête. Pardieu ! si je l’ai connu, ce grand rompu de Saint-Rémy, comme on dit dans Brantôme !

— C’était en effet un homme de Brantôme, — reprit le vicomte. — Eh bien ! Saint-Rémy, à vingt-sept ans sonnés, n’avait encore touché ni à un verre ni à une jupe. Il vous le dira, si vous voulez ! À vingt-sept ans, il était, en fait de femmes, aussi innocent que l’enfant qui vient de naître, et quoiqu’il ne tétât plus sa nourrice, il n’avait pourtant jamais bu que du lait et de l’eau.

— Il a joliment rattrapé le temps perdu ! — fis-je.

— Oui, — dit le vicomte, — et moi aussi ! Mais j’ai eu moins de peine à le rattraper ! Ma première période de sagesse, à moi, ne dépassa guère le temps que je passai dans cette ville de *** ; et quoique je n’y eusse pas la virginité absolue dont parle Saint-Rémy, j’y vivais cependant, ma foi ! comme un vrai chevalier de Malte, que j’étais, attendu que je le suis de ber-