Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 1.djvu/261

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Mendoze. Quand ces liens furent brisés, il continua de subsister. Les quelques années écoulées entre ma rupture avec la comtesse et la rencontre dans le monde de votre Hermangarde, ont été remplies par ces succès faciles qui ont à peine un lendemain. Aucun ne devait, ne pouvait affaiblir ce que l’amour n’avait pu détruire, et Vellini resta pour moi ce qu’elle était. Elle aussi, elle eut des caprices, de ces brusques révolutions d’imagination et de cœur, dont le monde dit un mal si cruellement superficiel, car elles sont la conséquence de certaines natures passionnées et puissantes. Elle se brouilla avec Cérisy ; mais l’expérience justifia pour elle l’idée qui l’avait tant saisie : que nous devions toujours nous revenir. Elle a maintenant le fanatisme de cette croyance. Seulement, ne pensez pas, chère marquise, que cette conviction la rende heureuse. Son âme fière s’en soulève parfois indignée. Pendant mon amour pour la comtesse de Mendoze et depuis, elle a essayé, à plusieurs reprises, de rompre cette chaîne qu’elle avait d’abord dite infrangible. Elle voulait être toute à ses nouveaux amours ; mais l’ennui, le vide, le passé, — que sais-je ? — me la rejetaient désolée, accablée, niant qu’elle m’aimât, mais recommençant d’étaler avec un sombre orgueil la chaîne qui avait résisté aux efforts de son désespoir !