Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 1.djvu/268

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comme toujours, avec nous autres femmes, jeunes ou vieilles, l’audace a réussi. Elle m’a attachée à lui davantage. Car en parlant comme il a fait, il devait savoir qu’il exposait son bonheur. C’est plus que sa vie. J’ai trouvé cela très noble à lui… presque chevaleresque. Vous, l’arrière-petite-fille des plus anciens bannerets de France, osez me dire que cela ne l’est pas ! »

Et fine comme elle l’était, l’éloquente vieille enterra sous cette espèce d’argument héraldique les derniers murmures de l’antipathie de Mme  d’Artelles contre M. de Marigny. À partir de ce moment, la comtesse ne parla plus du mariage qui la désolait. Elle vit que le génie de Marigny l’emportait sur le sien.

« — Vicomte, — dit-elle, outrée, à M. de Prosny, — comprenez-vous une pareille chose ? Elle aime mieux ce Marigny que sa petite-fille, je n’en doute pas. »

Il importait peu que le Prosny comprît cela ou non. Mais ce qu’on ne saurait trop admirer, c’est la jeunesse de cœur de Mme  de Flers, attestée par le sentiment que lui reprochait son amie. Oui, la marquise aimait Marigny, non pas mieux que son Hermangarde, mais elle l’aimait, et son affection n’était pas le reflet de l’amour qu’il avait allumé dans sa petite-fille. Elle aurait été sans enfants qu’elle l’eût